Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/148

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— Pourquoi l’a-t-on laissé approcher si près de notre halte ?

— C’est peut-être un prince. Je vois scintiller des diamants sur sa coiffure, et, là-bas, deux pages tiennent des chevaux bien harnachés. Nous saurons bientôt qui il est, d’ailleurs ; notre umara s’approche de lui.

— Avec quel respect il salue cet inconnu ! C’est quelque adorateur d’Allah, comme lui.

— À peine s’il répond au salut. Cependant il se détourne et s’avance comme s’il voulait venir vers nous.

— Qui peut-il être pour avoir une telle audace ?

— Un seigneur puissant, car Arslan-Khan ne le retient pas.

Le nouveau venu s’avance, en effet ; il est à l’entrée de la tente, et pose la main sur son cœur, puis sur son front. C’est un homme dans la force de l’âge, d’une belle figure franche et noble. Il est vêtu simplement, mais son sabre magnifique et l’aigrette de son turban laissent deviner qu’il est d’un rang élevé.

— Divine reine de Bangalore, dit-il, puisse ton ombre couvrir le monde ! Je baise la poussière sous tes pieds.

— Qui t’a dit que j’étais une femme et non un guerrier comme toi ?

— Tu es l’un et l’autre pour la torture de l’humanité. Ô reine doublement cruelle ! tu manies la lance et le glaive comme si tes yeux ne te suffisaient pas pour te donner toutes les victoires, et, non contente d’avoir réduit au désespoir les hommes qui ont eu le bonheur