Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/153

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Alors les assaillants s’arrêtèrent et, sur un commandement de leur chef, ayant tranquillement visé, tirèrent tous ensemble.

L’effet fut terrible. Un grand nombre de cavaliers tombèrent, renversés sous leurs chevaux ; les cris des blessés redoublèrent le désordre et accélérèrent la fuite. Marphiz-Khan lui-même, après un moment d’hésitation, tourna le dos, hâtant l’allure de son éléphant de guerre. Les Français, tout en rechargeant leurs armes, s’élancèrent à la poursuite de l’ennemi.

— Dieu est grand ! s’écria Chanda-Saïb.

La reine s’était levée et, toute pâle et frémissante, avait suivi la scène.

— Mon cheval ! cria-t-elle ; je veux voir la fin de ceci. Cette fuite est une feinte, Marphiz veut attirer ces barbares dans Méliapore, pour mieux les écraser.

On amena le bel arabe fleur de pécher, au profil de gazelle. La reine reprit ses armes et redevint l’adorable guerrier de tout à l’heure.

— Qu’Arslan m’accompagne, dit-elle. Puis se tournant vers sa compagne : Peut-être as-tu peur, Lila ; reste si tu veux.

— Où tu iras j’irai, dit la princesse. Il est vrai, l’audace de ces hommes et leurs cris sauvages m’ont glacé le sang, et j’ai failli m’évanouir au bruit du canon ; c’est que je ne suis pas un héros, moi, voilà tout.

— Ô ma pauvre Lila ! dit la reine, douce et paresseuse amie, à quelles épreuves je mets ta tendresse ! Reste, je t’en prie, bientôt je te rejoindrai.

— Tu me retrouverais morte d’inquiétude, dit Lila