Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/172

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Dans la ville, qu’il traverse comme un ouragan, c’est une terreur et un désespoir indescriptibles ; le bruit de l’explosion a attiré tous les habitants dehors, la nouvelle est connue déjà, sous des versions diverses, et ceux qui ont des parents ou des amis dans l’armée, courent, avec des cris et des pleurs, pour reconnaître les morts et les blessés. Au palais, Bussy ne trouve aucun serviteur et est obligé d’attacher lui-même son cheval à une colonne. Il gravit le grand escalier à rampe de fer ouvragé, et arrive, hors d’haleine, dans le cabinet du gouverneur dont la porte est ouverte. Un soldat est là qui lui raconte l’événement funeste.

— Monsieur, dit Bussy d’une voix haletante, Paradis a l’intention d’abandonner Ariancopan. J’espère pourtant avoir obtenu de lui qu’il n’agisse pas sans votre avis.

— Qu’on garde la redoute à tout prix, s’écria Dupleix ; sa perte entraînerait l’abandon de tous les autres ouvrages.

— Je cours porter cet ordre, dit Bussy.

Mais au moment où il va sortir, le bruit de plusieurs explosions éclate et fait frémir les vitres.

— Trop tard ! de La Touche vient de faire sauter les remparts.

— C’est un malheur, capitaine, dit le gouverneur, après avoir réprimé un mouvement de colère ; je vous remercie d’avoir essayé de l’éviter. Mais surtout qu’on ne se laisse pas abattre, rien n’est perdu. Je vais voir par moi-même ce qu’il reste à faire.

Comme toujours, le gouverneur apaise et encou-