Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/185

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Salabet-Cingh. Celui-ci, rapidement, l’entortilla à la garde de son sabre ; puis il ôta de son doigt un magnifique diamant et, prenant la main de Bussy, essaya de le lui passer. Malgré leur élégance aristocratique, les doigts du jeune Français n’atteignaient pas l’extrême finesse de ceux de l’Oriental : la bague n’entra qu’au petit doigt.

— Ma main est plus petite, disait Salabet en retenant celle de Bussy, mais comme la tienne est plus blanche !

Puis il s’éloigna lentement, se retournant à demi, lui disant par-dessus l’épaule :

— À bientôt, Bâhâdour !

Bussy était furieux ; il cherchait à arracher cette bague, voulait aller dans le jardin pour la jeter au diable. Kerjean, qui passait, lui dit en courant :

— Donnez la main à ma cousine pour entrer dans la salle, vous êtes placé près d’elle.

On venait d’ouvrir, toutes grandes, les triples portes, flanquées de hallebardiers vêtus de brocart d’or, avec des bas cramoisis et un soleil sur la poitrine, et on s’en allait, en procession, vers la salle à manger.

Le marquis trouva sur son chemin Chonchon, qui le cherchait. Il ne la vit pas tout d’abord et elle fut effrayée de l’expression irritée de son regard.

— Mon Dieu ! dit-elle, qu’avez-vous que vos yeux ont l’air si méchant ?

— Puisque je vous vois, toute ombre disparaît, comme devant l’aurore, dit-il en lui offrant la main.

Une armée de serviteurs s’agitaient autour de la table : des pages, des noirs remuant de grands éven-