Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/188

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sordre dans les salons illuminés, continuant bruyamment les conversations commencées ; puis les personnes graves se mirent au jeu ; la jeunesse se répandit sous les vérandas ouvertes, tandis que Dupleix, souriant, disait un mot gracieux à chacun.

On avait autorisé Salabet-Cingh à fumer son houka ; mais il en avait à peine humé quelques bouffées, lorsque, à la grande surprise de tout le monde, un homme, couvert de boue et ruisselant de pluie, se précipita dans le salon, que chacun de ses pas tachait, et vint tomber aux pieds du prince.

Celui-ci, effrayé, porta la main à son sabre, préoccupé qu’il était toujours des assassins.

Les gardes du palais, qui poursuivaient cet homme, se pressaient aux portes, expliquant qu’il avait passé au milieu d’eux comme une flèche, sautant par-dessus les lances croisées, et qu’un coup de feu, tiré sur lui, l’avait manqué.

L’homme haletait, sur le parquet, comme une bête forcée. Il parvint à parler cependant.

— Je suis un messager, dit-il au prince ; je t’apporte le premier cette nouvelle que le très glorieux roi du Dékan, Nizam-el-Molouk a quitté ce monde.

— Le roi est mort ! s’écria Salabet-Cingh, en se levant vivement. Sait-on qui lui succède ? ajouta-t-il après un moment, en se penchant vers le messager.

— Le testament du Soubab désigne le très illustre prince Sadoula-Bâhâdour-Mouzaffer-Cingh, son petit-fils ; mais le fils aîné du roi, Nasser-Cingh, chef des armées, s’est emparé des trésors et du pouvoir.