Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/207

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Le commandement revenait au marquis de Bussy. Il parcourut, au galop, les rangs des soldats, les réconfortant, les encourageant, leur communiquant son enthousiasme.

— Ne voyez-vous pas, leur criait-il, les nababs et cette armée, qui sont là comme au spectacle, assistant à nos défaites ? Souffrirez-vous qu’ils rient de nous, et nous tiennent pour de piètres soldats ? En avant ! enfants. L’ennemi est déjà ébranlé et las ; nous aurons raison de lui, cette fois-ci, en un instant.

Et ils partent de nouveau, d’un élan si fougueux qu’en effet ils emportent le parapet, et tombent dans le retranchement, où ils sabrent et massacrent avec fureur. Les défenseurs des tranchées prennent bientôt la fuite vers le centre du camp, poursuivis par les vainqueurs.

Alors une immense acclamation monte de la plaine ; les armées spectatrices applaudissent au succès, et Chanda-Saïb, avec ses cavaliers, s’élance par la brèche ouverte.

— Ne nous arrêtons pas, lui dit Bussy, le nabab est ici en personne, il faut le joindre.

Allah-Verdi, sur son éléphant de guerre, prés de l’étendard du Carnatic et entouré de l’élite des guerriers, s’efforçait de retenir les fuyards, les couvrait d’injures, leur lançait des flèches. Il parvint à les rallier et les ramena vers l’ennemi. On vint lui annoncer, à ce moment, que l’oriflamme de Marphiz-Khan venait d’être abattue et que son fils était tué ; il pâlit sous sa peau brune, mais continua d’avancer.