Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/216

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une colonne, criant et grimaçant, un grand singe noir semblait présider à ces travaux.

Une triple arcade, ajourée de sculptures, conduisait à la troisième cour. Celle-là était la cour publique, où s’assemblaient les courtisans, les seigneurs, la jeunesse de Bangalore. Toute environnée de frais portiques, ombragée d’arbres, rafraîchie par des fontaines, le brouhaha des causeries l’emplissait. L’on voyait des amis se promener lentement, en regardant des peintures galantes, d’autres accroupis devant un échiquier, dont les pièces étaient des pierres précieuses, d’autres lisant, mangeant des sorbets, ou fumant le houka.

La quatrième cour était le domaine de la musique. Des coups sourds frappés sur les timbales, le doux sifflement d’une flûte, la corde d’un vina, pincée d’un ongle nerveux, formaient un charivari discret. Chaque musicien étudiait pour lui-même ; et par les larges fenêtres, au fond des appartements, on apercevait de gracieuses jeunes filles, s’exerçant au chant et à la danse. Des jarres en terre poreuse, suspendues çà et là, traversées par la brise, lui donnaient de la fraîcheur.

La fumée et le parfum des cuisines emplissaient la cinquième cour. Le chef des cuisiniers, environné de plats, les goûtait l’un après l’autre ; on sucrait les confitures, on enfournait des gâteaux et dans des bassins d’or on disposait les fruits sur un lit de fleurs.

Une voûte somptueuse, revêtue de lapis-lazuli et d’or, séparait les cuisines de la cour suivante, peuplée, celle-là, par les parfumeurs et les joailliers.