Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/22

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porte la parole : il propose de racheter la ville, sans que le drapeau anglais cesse de flotter sur la forteresse.

— Je ne vends point l’honneur, messieurs, répond La Bourdonnais avec un peu d’emphase, le pavillon de mon roi sera viré sur Madras, ou j’y meurs aux pieds des murs !

Puis, changeant de ton, il ajouta avec bonhomie :

— À l’égard du rachat de la ville et sur tout ce qui est question d’intérêt, vous serez content de moi.

Il prit le chapeau galonné d’or d’un des députés.

— Ce chapeau vaut six roupies, dit-il, vous m’en donnerez trois ou quatre, et il en sera de même pour toutes choses.

Les députés saluent et se retirent.

Dans l’après-midi les nouvelles batteries ouvrent le feu et foudroient l’angle sans défense des murailles, tandis que, de la rade, les navires lâchent leurs bordées sur la citadelle.

La nuit même ne ramène pas le silence dans la ville consternée.

Le jour suivant, les Anglais ont un moment d’espoir et de joie : la nouvelle se répand que l’escadre commandée par le commodore Peyton, qui les a si étrangement abandonnés, est en vue. Les Français ont vent de ce bruit et pressent l’attaque ; mais la nouvelle ne se confirme pas, aucune voile n’apparaît au large.

Enfin, le 21, la ville se rend à discrétion. Mélancolique et digne, le gouverneur Morse vient remettre solennellement les clés à La Bourdonnais.

La porte de Walreguet est ouverte, le pont-levis