Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/238

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l’emporteraient sur lui. Le grand vizir obéit tristement, le maître des cérémonies avec empressement, et les bouffons du roi les couvrirent de lazzis, se moquant de la mine piteuse qu’ils avaient dans la balance.

Les deux maigres seigneurs n’étaient point assez lourds pour faire lever du sol le plateau qui portait leur maître, mais une troisième personne c’était trop, et l’on essaya en vain d’établir l’équilibre.

— Qu’on aille chercher le plus gros porc que l’on pourra trouver, s’écria le roi complètement ivre, voilà qui sera amusant !

Et tandis qu’on se précipitait pour obéir à cet ordre, Nasser quitta le plateau afin de se dégourdir les jambes et de s’étirer. Les bayadères s’approchèrent de lui, l’éventant à l’aide d’écrans en plumes de paon, lui essuyèrent le visage avec des mouchoirs parfumés, versèrent dans ses mains de l’eau de rose.

À ce moment, un umara ne put retenir un éternuement bruyant.

Éternuer en présence du souverain, c’était un mauvais présage, une grave offense, sévèrement punie.

Un grand silence s’était établi, et l’on regardait avec commisération le coupable, qui se jeta à plat ventre.

Le roi fit signe à un des bourreaux. Alors l’umara se traîna à genoux, demandant grâce ; supplia, baisa les pieds du Soubab.

— Que veux-tu, mon ami, répondait tranquillement Nasser-Cingh, je n’y peux rien, c’est la loi.

— Fais-moi tuer plutôt.