Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/241

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pas attenter à la liberté de son neveu, s’il se rendait à lui.

— Il a ordonné de couler du plomb fondu dans la bouche des blessés qui demandaient à boire !

— Il a fait attacher des sacs de terre au cou des prisonniers, et, après les avoir exténués par une longue marche, les a contraints à travailler aux retranchements du camp. On les tuait l’un après l’autre et, avec cette terre qu’ils avaient portée et leur sang, on formait le mortier. Au dernier il a fait grâce pour qu’il pût raconter comment on punissait les rebelles.

— Ce dernier c’est moi, dit un soldat en s’avançant, le fait monstrueux est vrai : les prisonniers travaillaient ; quand le liquide manquait, on tendait l’auge et on en égorgeait un. Ces mains que voici ont pétri la boue sanglante !

Et il tendait ses mains, qu’en souvenir de cette horreur, il portait teintes de henneh. Au bout de ses bras noirs, elles semblaient gantées de sang.

— Et voici comment Nasser-Cingh traite ceux qui lui gagnent ses batailles ! s’écria Babar, en arrachant les linges qui masquaient sa face sans nez, effrayante et grotesque.

Un cri d’horreur s’éleva.

Mais des personnages importants entrèrent, détournant l’attention. On s’inclinait devant eux avec respect. C’étaient les plus puissants vassaux de Nasser-Cingh, ses alliés : le nabab de Kadapa et le nabab de Kanoul.

— Chanda-Saïb est-il arrivé ? demandèrent-ils.