Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/256

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joyeux, plein d’enthousiasme ; un vague sourire laissait entrevoir ses dents charmantes ; ses yeux, plus clairs que d’ordinaire, semblaient refléter des lames d’épées.

— Mes braves ! cria-t-il, déjà l’ennemi fait une faute énorme ; au lieu de nous attendre derrière les murs de sa ville, il descend vers nous dans la plaine, et notre plan est changé : nous n’attaquons plus. Laissons venir les moricauds, avant de tirer, jusqu’à portée de pistolet ; ils tourneront les talons devant notre feu : c’est alors qu’il faudra les gagner de vitesse, arriver en même temps qu’eux aux portes de la ville. Je compte sur une fougue diabolique.

— C’est cela ! s’écria Jean-Marie en agitant son chapeau. Vive le commandant !

Bussy lui jeta un coup d’œil ami et un signe d’intelligence.

— Qu’on veille bien aux échelles ! dit-il, et il s’éloigna.

Comme il l’avait prévu, l’armée de Mahomet-Aly rompit ses rangs et se débanda devant l’artillerie française, pour remonter en courant les pentes de la montagne. Mais Bussy la serrait de près ; l’épée dans les reins des fuyards, il semblait plutôt les chasser que les poursuivre.

Il s’agissait de ne pas leur laisser refermer la porte de Gengi, sous laquelle ils s’engouffraient pêle-mêle, s’écrasant, foulant aux pieds ceux qui tombaient. Mais ils comprirent l’intention des assiégeants et, abandonnant ceux qui venaient les derniers, refermèrent brusquement le lourd battant en bois de teck,