Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/264

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plus grand désordre, hors des murs, pour rejoindre le gros de l’armée.

Les éléphants, harnachés pour la bataille, apparaissaient comme des monstres invraisemblables : une carapace de corne les couvrait, leur descendant jusqu’au-dessous des genoux, leur donnant l’air de gigantesques tortues. Leur face était protégée par une visière de fer, avec des trous pour les yeux, de gros clous de cuivre et une pointe au milieu du front. Des fourreaux d’acier aigus et tranchants allongeaient leurs défenses, ils avaient sur le crâne une calotte de métal, côtelée, et leur trompe et leur croupe étaient protégées par une demi-cuirasse articulée, ayant au milieu une arête saillante, armée de dents.

À perte de vue s’étendait la multitude ; on eût dit que toute une ville, tout un peuple se mettait en route, car une armée, beaucoup plus nombreuse que celle qui allait combattre, s’ébranlait derrière les soldats. C’étaient d’abord la foule des pourvoyeurs, composée d’une caste particulière d’Hindous : les bendyarahs, chargés de procurer le blé et le riz. Armés de piques et de cimeterres, quand ils ne pouvaient obtenir les grains à prix d’argent, ils les enlevaient par le pillage. Ils avaient avec eux cent mille bœufs de trait et autant de chariots. Puis venaient les palefreniers, très nombreux, car chaque cheval occupait deux hommes. Les porteurs de palanquins pour les blessés marchaient ensuite, puis les serviteurs, chaque chef en avait au moins dix ; les cuisiniers et les porteurs d’eau : deux hommes par tente ; enfin, les bagages, les troupeaux d’ânes, de chèvres