Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/268

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Le vizir versa de l’eau dans un bassin de cuivre, le prince y trempa son visage à plusieurs reprises.

— Le bataillon français ! reprit-il alors, tout à fait éveillé, c’est impossible qu’il veuille nous attaquer, puisque, tu le sais bien, j’ai écrit à Dupleix que j’étais prêt à signer la paix, et que j’acceptais toutes ses conditions.

— Oui, Lumière de nos yeux, mais tu as tant tardé à envoyer la réponse qu’elle arrivera trop tard.

L’attabek avait parlé d’une voix tranquille, dans laquelle Nasser crut deviner de l’ironie ; il se retourna vers lui avec colère en s’écriant :

— Par Allah ! vizir Schah-Abbas-Khan, on dirait que tu te plais à me narguer, en me rappelant mes fautes.

— Ta Majesté se méprend, dit Schah-Abbas, toujours calme, je veux seulement la mettre en garde contre des illusions qui causeraient sa perte.

— Je te dis que ces Français ne sont rien qu’une poignée d’hommes ivres.

— Le vainqueur de Gengi les conduit pourtant.

— Qu’est-ce que cela me fait ? A-t-il la prétention de vaincre une armée comme la mienne ? Donne l’ordre de lever le camp, et hâtons-nous d’aller écraser ces insolents moucherons qui viennent se jeter dans la gueule d’un lion.

Les nababs avaient envoyé aux chefs français un guide, qui devait les conduire au quartier où étaient campées les troupes, commandées directement par Nasser-Cingh, et qu’il fallait vaincre, avant la défection des armées vassales, les nababs tenaient en somme à ne rien risquer.