Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/270

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cependant, avant que les Français atteignissent, en vainqueurs, le centre du camp.

Harassés, mais pleins de joie d’être venus à bout d’une aussi formidable armée, les soldats reprenaient haleine, essuyaient leurs fronts, où la sueur et la poudre se mêlaient, quand ils aperçurent, au delà des lignes rompues des Hindous, un corps de cavalerie et d’infanterie, s’avançant en bon ordre, au bruit des cymbales et des trompettes, et s’étendant à perte de vue.

Il y eut des exclamations découragées. Quoi ! fallait-il vaincre encore cette armée-là ? À force d’avoir tiré, les fusils brûlaient les doigts ; sans parler des hommes, dont les bras las avaient peine à les porter !

Mais de La Touche poussa une clameur de joie, et désignant du bout de son épée un éléphant, au centre de la nouvelle armée, dépassant de sa haute taille les cavaliers, il s’écria :

— Réjouissez-vous, soldats. Ceux-ci sont nos alliés. Ne voyez-vous pas le drapeau français porté par un guerrier maure, sur le dos de cet éléphant !

Des cris enthousiastes éclatèrent alors et, retrouvant des forces, les Français s’élancèrent à la rencontre de leur drapeau.

Pendant ce temps. Nasser-Cingh, sous sa tente, éloignée du point où on se battait, entouré de ses gardes, de ses vizirs et de sa cour, recevait les messagers qui, de minute en minute, prosternés sur le seuil, rendaient compte du combat. Mais ils atténuaient la vérité, par peur du roi, et entortillaient leurs discours dans d’interminables louanges à l’adresse de l’Ombre de Dieu.