Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/294

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à-dire à la réclusion dans le harem, à la perte de tout ce qui nous faisait heureuses.

Mais elle ne cessa pas cependant d’observer la reine avec la plus grande attention, souriant en secret devant l’inutilité des prières. Un moment pourtant elle crut s’être trompée : l’irritation fiévreuse d’Ourvaci, attisée par Panch-Anan, devenait maladive, et la force des préjugés développait vraiment en haine et en dégoût cet amour naissant ; puis quelques nouveaux symptômes lui persuadèrent, décidément, que le mal était bien celui qu’elle avait deviné.

— Elle est vouée au malheur, si je ne parviens pas à l’éclairer sur ses véritables sentiments.

Mais comment faire ? comment combattre, en ayant l’air d’y croire, cette haine mal comprise, pour la ramener à sa véritable expression ?

Après le drame de l’île du Silence, Lila avait feint d’avoir été frappée d’amour pour l’étranger. Elle comprenait quel auxiliaire précieux lui serait cette apparence de passion, qui lui permettrait d’exalter l’ennemi, de parler de lui sans cesse, ou, si la parole lui était défendue, de le rappeler encore au souvenir de la reine, par des soupirs et des larmes.

Ce fut comme la pente douce d’un sentier fleuri qu’elle traça devant les pas de son amie. Ne se doutant pas qu’elle était guidée, Ourvaci s’y engagea docilement. Lila, bien persuadée qu’elle travaillait au bonheur de la reine, n’avait aucune hésitation et jouait son rôle avec tant de vérité, qu’il était impossible de suspecter la sincérité de ses sentiments. Qui