Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Qu’est-ce donc ? dit-elle. Je vois des boucles ; et pourquoi cette couronne de pierreries et de feuillages ?

— C’est sans doute le signe d’une descendance royale.

Mais Ourvaci n’écoutait pas, elle avait ouvert la lettre et avidement la lisait.

« Tu es pour moi plus douce que Prîti, plus consolante que Maya, ma princesse, et tu peux être sûre que les écrits d’aucun poète n’ont été lus avec autant de passion que les tiens. Mais il me faudrait des jours et des jours, pour exprimer tout ce j’éprouve ; et à quoi bon écrire, quand je puis te dire tout cela de vive voix ? Oui, Lila, j’ai cet espoir délicieux qui me fait frémir d’impatience.

« Écoute : J’accompagne le roi du Dekan, qui va prendre possession de sa capitale, et je passe à quelques lieues de Bangalore ! Tu comprends qu’il est au-dessus de mes forces d’être si près et de passer. Aussi, le roi en pensera ce qu’il voudra, je m’enfuis, je viens respirer une bouffée de cette atmosphère, pour moi plus vivifiante que l’amrita des dieux, arracher une fleur aux buissons, une touffe d’herbe au sol, revoir un instant cette contrée, ce palais qui me fait le reste du monde un si cruel exil.

« Je connais trop ce que vaut ton cœur, pour ne pas être certain que tu feras l’impossible pour m’accorder une entrevue ; pourras-tu faire davantage encore ? Je n’ose l’espérer, ni le demander.

« J’arriverai quelques instants après ma lettre ; que le messager qui m’apportera ta réponse me conduise