Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/302

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— Tu es bonne, dit-elle, tu ne me grondes pas, tu ne veux pas que ma joie soit mêlée d’amertume, mais, je t’en conjure, sois clémente encore plus — vois combien Kama-Deva, qu’on dit si cruel, est compatissant aux blessures qu’il a faites : sur l’intention seule de ma prière, avant même que l’offrande soit à ses pieds, il a exaucé mon plus cher désir ; — fais comme lui, une reine peut prendre un dieu pour modèle, accorde à celui qui, par ta faute, vit dans les flammes, la fraîche rosée de ta présence.

— Le revoir, après ce qui s’est passé, c’est impossible, dit Ourvaci en se levant.

— Laisse-le au moins t’apercevoir de loin, donne-lui ce bonheur, que tu ne refuses pas au dernier de tes sujets.

— Non, non, il faut que je m’éloigne, au contraire.

— Si tu t’en vas, je dois te suivre, dit Lila tristement, et alors c’en est fait de mon bonheur.

La reine se rassit en souriant.

— Il faut donc que je reste, pour protéger tes amours, dit-elle.

— Ah ! merci, ma divine amie, s’écria la princesse en se jetant dans les bras d’Ourvaci. Comment se peut-il, qu’avec un cœur si tendre, tu fasses tant souffrir ?

— Eh bien, soit, qu’il me voie, dit-elle toute tremblante, mais qu’il n’approche pas. Va, va vite, voici la maïna qui chante.

— Elle l’a entendue avant moi se dit Lila en s’élançant hors du bosquet.

Le marquis arriva à cheval, suivant son guide à tra-