Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/303

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vers la forêt, dans les sentiers trop étroits ; il s’avançait, tout émerveillé de cette splendeur du printemps et de cette prodigieuse éclosion. En apercevant Lila, qui se hâtait, se faisant un bouclier de ses bras nus, contre les lianes et les branches, il mit pied à terre, d’un mouvement vif et gracieux, pour courir à elle.

— Il me semble marcher dans un rêve ! s’écria-t-il. C’est bien là le séjour qu’il vous fallait, ce paradis de fleurs. Mais que vois-je ! ma princesse chérie adopte les modes françaises : elle a les cheveux tout poudrés de pétales blancs !

La tenant par le bout des doigts, il la regardait d’un air heureux et tendre, tandis que, essoufflée de sa course, Lila baissait les yeux, toute surprise de se sentir intimidée au point de ne pouvoir parler.

Il reprit, après lui avoir affectueusement baisé les mains :

— Est-ce bien possible ce que tu m’écris ? Si tu savais combien cette joie que tu me prodigues gonfle mon cœur de reconnaissance. Qu’ai-je donc fait, dis, pour mériter une si douce amitié, d’un être aussi ravissant que toi ?

— Tu n’as rien fait, répondit Lila en souriant, l’amitié ne s’explique pas plus que l’amour, et il ne faut pas de reconnaissance, car te voir heureux est mon plaisir. Mais, dis-moi, pourquoi ne me parles-tu pas de la seule chose qui emplisse ta pensée ?

— J’attendais ton bon plaisir.

— Et moi je tardais, pour garder mon prestige ; en l’absence du soleil on trouve merveilleux l’astre qui