Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/318

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— Nobles seigneurs, dit-il, ceci est une nouveauté qui nous vient de Perse, et la Lumière du Monde a été heureuse de pouvoir offrir, à son frère glorieux, un ouvrage en ce curieux style, qu’on appelle Morganèse, et que les ouvriers persans sont seuls capables d’exécuter.

En pénétrant dans cette salle, on était comme pris dans un filet fait de rayons ; les murailles, le plafond creusé en coupole, paraissaient ruisseler, flamber ; c’était partout une palpitation vivante, un jeu perpétuel de lueurs. Les fleurs des tapis, les couleurs du vitrail emprisonné entre deux châssis de bois de santal découpé à jour, se répercutaient en mille feux ; et le moindre mouvement éveillait un tumulte de lumière : des frissons, des éclairs, des scintillements s’entrecroisaient ; on croyait voir de l’argent en fusion, des pierreries remuées à poignées, des pléiades d’étoiles, de l’eau traversée de soleil.

Bussy s’amusait à remuer les doigts pour faire naître cette agitation éblouissante, cherchant à comprendre comment se produisait une telle magie, mais le véritable aspect des parois échappait aux regards, sous ce continuel frémissement, et il était impossible de deviner de quelle matière elles étaient faites.

— Allons, hadjib, s’écria le marquis, révèle-nous le mystère, nous sommes incapables de le pénétrer.

Le hadjib, très fier, se redressa, appuyé des deux mains sur sa haute canne.

— Soleil de nos yeux, dit-il, voici le secret : les murs, par un travail difficile et minutieux, sont sculptés en milliers de facettes, pareilles à celles des