Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/326

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guirlandes de fleurs… Mais il n’a pas le temps d’achever, un autre page écarte la draperie et crie :

— Le très magnanime padischah Salabet-Cingh.

Et le jeune roi, riant de la surprise qu’il cause, s’avance rapidement, dans sa parure guerrière, toute scintillante de pierreries.

Le marquis veut ployer le genou, mais Salabet le retient et l’embrasse.

— J’avais peur de te trouver malade ; en ne te voyant pas assister au défilé, j’étais inquiet, dit le roi ; et puis j’ai à te parler. Mais cette poussière que soulevaient les chevaux m’a donné une soif terrible ; fais venir des sorbets, et qu’ensuite on nous laisse seuls.

Salabet se jeta sur le divan avec un soupir de lassitude.

— Quel honneur et quelle confusion ! dit Bussy. Te recevoir chez moi, et être si peu préparé à le faire dignement.

— J’aime beaucoup à taquiner mes amis, en arrivant chez eux, sans être annoncé, comme un ami.

Il tira quelques bouffées du houka, qui brûlait encore.

— Ah ! Gazamfer, trop d’opium ! s’écria-t-il. Tu te feras mal. Il faut que je t’envoie de mon tabac d’Ispahan, qui ressemble aux blondes chevelures des Occidentales. N’es-tu donc pas heureux, que tu cherches le rêve ? ajouta-t-il en regardant attentivement Bussy.

— Je serais donc fou ! répondit le marquis évasivement. Et il offrit au roi les boissons fraîches qu’on venait d’apporter.