Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/331

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— Ne dis pas des paroles funestes ! s’écrie Lila ; notre malheur est assez grand comme cela.

— Est-ce donc un malheur d’épouser un prince, qu’on dit charmant, et de devenir la plus puissante reine de l’Hindoustan ?

— Certes, quand il faut pour cela perdre sa liberté et être l’esclave d’un homme.

— Est-ce que le Padichah Jehan-Guir n’était pas l’esclave de Nour-Jehan ?

— C’était une musulmane, et d’ailleurs la Lumière du Monde n’était pas née reine. Après tout, c’est peut-être de plaisir que notre maîtresse s’est évanouie. Cet Abou-al-Hassan n’arrivera donc pas ? ajouta-t-elle avec impatience.

— Le voici, dit le médecin en entrant très essoufflé ; j’ai couru, mais le palais est grand.

D’un geste, il éloigna les femmes, qui se pressaient dans la chambre, tout effarées, et ne garda près de lui que les deux princesses.

Il amassa des coussins derrière le dos de la reine, toujours immobile, puis ouvrit une petite cassette en mosaïque d’ivoire, où étaient enfermées des pierres précieuses, larges et plates.

Alors, d’après la méthode d’Al-Teïfaschi, qui connaissait les vertus secrètes des pierreries, il posa sur le sein d’Ourvaci un rubis, pour fortifier son cœur, lui entoura la taille d’un cordon de diamants pour empêcher l’estomac de souffrir, lui mit sur le front une grande émeraude, qui devait calmer l’agitation des nerfs, et des grains de cristal de roche, qui chassent les mauvais rêves. Puis, il lui passa sur les pau-