Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/342

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Une bayadère apporta un encensoir d’or, et une autre versa, sur les braises ardentes, les parfums qui aussitôt devinrent fumée ; la princesse l’agita un instant ; puis, tandis que les tambourins frémissaient et que les femmes chantaient un hymne triomphal, elle tourna plusieurs fois autour du jeune homme, les paumes levées vers le ciel, se touchant le front des pouces.

Bussy vivait dans l’Hindoustan de ses rêves, il se souvenait du Ramayana, et était fier de savoir que cet honneur qu’on lui rendait s’appelait : le pradakshina.

Ils entrèrent ensuite dans les appartements, et, pour s’écarter un instant de la foule des esclaves et des pages, Lila le conduisit sur une terrasse, d’où l’on découvrait beaucoup des édifices du palais.

— Enfin ! donne-moi ta main, sœur chérie, s’écria Bussy ; tous les rites sont accomplis, vis-à-vis de l’ambassadeur, mais le frère réclame à son tour un salut affectueux.

— Prenons garde, dit-elle, en le laissant lui baiser la main à la dérobée ; n’oublie pas que nous nous voyons pour la première fois.

— La reine sait-elle quel est l’envoyé du soubab ?

— Elle le sait, et cela lui adoucit, je crois, le chagrin que lui cause le but de la mission.

— En est-elle chagrine vraiment ?

— L’idée de perdre son indépendance lui est odieuse, et si son cœur n’est plus libre, elle doit redouter comme la mort cette alliance.

— Ah ! Lila, toujours ta douce voix vient m’apaiser ; toujours tu t’efforces d’endormir mes angoisses.