Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/354

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que tu foules et la poussière qu’illuminent tes pas. Je viens et je salue ta splendeur, au nom du très glorieux roi du Dekan, Ombre de Dieu, Soutien du Monde, qui a pour tapis des fronts couronnés, et que sa Toute-Puissance le Mogol appelle son fils bien-aimé : Salabet-Cingh, qui se glorifie d’être ton esclave et t’envoie cette lettre, scellée de son royal sceau, secrète, et que nul ne doit lire avant toi.

Un page s’approcha, tenant, sur une étoffe pliée quatre fois, un coffret pavé de rubis. L’ambassadeur l’ouvrit, y prit la lettre écrite sur du satin blanc et, après l’avoir portée à son front, l’offrit à la reine.

Ourvaci, tenant la lettre du bout des doigts, attacha sur Bussy un regard lourd de tristesse, qui clairement lui disait :

— C’est donc toi qui m’apportes l’arrêt qui met fin à mes jours heureux, et nous sépare à jamais ?

Ce que les yeux bleus lui répondirent dans un éclair d’indomptable énergie et de dévouement sans bornes, la reine le comprit si bien qu’elle eut peur ; et, le front penché vers la lettre, tardant à l’ouvrir, elle se demanda si sa responsabilité et sa dignité de souveraine lui permettaient, pour sauver sa personne, de déchaîner ce lion furieux, qui allait, sans nul doute, sur un mot d’elle, bouleverser le Dekan, et détruire son œuvre, en brisant le roi qu’il avait fait.

— Son regard me l’a crié, se disait-elle, tandis qu’il gagnait sa place, il est venu pour me défendre, m’obéir et me sauver, si je refuse de tenir les promesses sacrées des fiançailles.

Un soupir, dont s’émurent les colliers et le réseau