Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/358

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« Sans hâter ta décision, fais-la connaître à mon bien-aimé frère Bussy Bâhâdour Gazamfer-Cingh, comme si c’était à moi-même. Il me transmettra ta volonté qui sera ma seule loi.

« Accueille favorablement les humbles offrandes que je dépose aux pieds de ton trône ; parmi elles, tu trouveras le firman, ratifié par notre père le Mogol, qui te restitue le territoire s’étendant des limites actuelles de Bangalore jusqu’aux Montagnes Orientales.

« Mon frère Gazamfer m’a fait entendre que tu regrettais vivement cette partie de ton royaume, dont les conquérants ont privé tes ancêtres, et mon plus grand plaisir est de suivre les conseils de mon glorieux frère. C’est donc lui seul, et non pas moi, qui mérite ta gratitude pour cette restitution.

« Donné, en mon palais d’Aurengabad, le 10 du mois de Raheb, la onze cent soixante-septième année de l’hégire, et de mon règne la première. »

Pendant cette lecture, dès qu’il en eut compris le sens, un tourbillon de joie faillit faire perdre contenance à l’ambassadeur, il se sentit le cœur oppressé de reconnaissance, pour ce roi charmant, qu’il avait si longtemps méconnu, et il ne douta pas un instant que ce ne fût à cause de lui, et non pour les raisons politiques, mises en avant, que Salabet avait pris cette résolution.

— Mais il connaît donc mon secret ? se disait-il. Oui. par Rugoonat-Dat. Comment n’y ai-je pas songé ? Ce trait d’une si touchante délicatesse, qui restitue en mon nom ce lambeau de royaume, me le prouve