Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présence, il allait faire représenter une pièce du poète très aimé Bavabhouti ; une pièce qui plaisait par-dessus tout à la jeunesse en fleur, car elle avait pour sujet les touchantes et célèbres amours de Madhava et de Malati.

— Je suis sûre, Lila, disait Ourvaci à voix basse, que c’est toi qui as indiqué le choix de cette pièce.

— Ne fallait-il pas vous rappeler que l’amour triomphe de tous les obstacles ? Nul autre que vous, d’ailleurs, ne peut comprendre les analogies qui se trouvent dans cette pièce avec l’état de votre cœur.

Le souffle des éventails faisait voltiger le voile aérien de la reine ; il s’accrocha aux broderies de l’habit du marquis ! Très doucement, il le dégagea, mais le retint dans sa main, et croyant tous les regards fixés sur le théâtre, furtivement, il appuya le suave tissu sur ses lèvres. Ourvaci lui sourit imperceptiblement, et, soulevant le lotus bleu, l’effleura d’un baiser.

Ce jeu muet fut surpris par la princesse Mangala, qui entre les cils, sournoisement, ne cessait d’observer la reine ; mais celle-ci ne s’en apercevait pas, et l’éclair de méchanceté satisfaite qui brilla un instant dans les yeux de sa rivale, échappa même à Lila qui, à la dérobée, elle aussi, regardait Bussy, avec un sentiment poignant, où se mêlait à la joie de le voir heureux, une sourde mélancolie.

La pièce s’acheva à la satisfaction des amants qui, après bien des mésaventures, poursuivis même par la colère des dieux, voyaient tous leurs vœux accomplis.