Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/380

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en loin, occupées à recueillir les fleurs mûres, pour la confection de l’attar-gul, l’exquise et précieuse essence.

Un parfum fort et poivré flottait sur toute cette plaine.

— Ne nous arrêtons pas, dit la reine, l’odeur des roses enivre au point de faire perdre la raison.

Des montagnes bleues, avec quelques taches de neige au sommet, fermaient l’horizon et semblaient proches.

— Voici les limites naturelles de Bangalore, dit la reine en les désignant de la main, mais depuis longtemps elles ne le limitaient plus. Ne te semblent-elles pas plus belles aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été, chère Lila, maintenant que nous ne les voyons plus à travers des larmes de regret ?

— Elles semblent resplendir comme des saphirs sertis d’argent, dit la princesse, et les plus hauts pics du Séjour de l’Hiver, le mont Mérou lui-même, ne me feraient pas autant de plaisir à voir.

On traversa plusieurs villages, des rizières et de fraîches plantations où tout respirait la prospérité et l’abondance ; puis une muraille crénelée se présenta, retenue de l’écroulement par les plantes parasites, et au delà c’était l’aridité du désert.

— La vie renaîtra bientôt ici sous la magie de ton sceptre, dit Lila, et quand nous reviendrons, nous ne retrouverons plus la jungle inhospitalière.

Ourvaci, grave et songeuse, embrassait de son beau regard toute cette étendue sauvage et desséchée, étudiait les mouvements du sol, suivait la