Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’aide d’oiseaux dressés à les prendre vivants, chasser les merveilleux papillons, qui semblaient des joyaux sur la soie des fleurs ; on en emplissait des cages de gaze, puis l’on donnait la volée à toutes ces ailes éclatantes, dans une jolie cour plantée d’arbustes et recouverte d’un filet d’or, pour les garder prisonnières.

Ils se plaisaient dans les jardins, au bord des fontaines, ou dans quelque fraîche salle d’un pavillon d’où l’on découvrait la campagne ; mais ils affectionnaient surtout un étrange balcon de pierre, tout ajouré des plus fantasques sculptures, et qui faisait une trouée dans un grand arbre. Quand ils étaient là, tout près du chant des oiseaux, ne voyant rien qu’un entrelacement de branches, il leur semblait être vraiment dans un nid. Et les heures s’écoulaient rapides et heureuses, sans qu’ils eussent l’idée que ce temps de bonheur pouvait finir.

Un jour qu’ils étaient sur ce balcon, seuls avec Lila, perdus dans un silence plein de pensées, un bruit de pas pressés se fit entendre dans la salle, et un messager parut.

Bussy, qui tous les matins recevait par un courrier des lettres de Rugoonat-Dat et de Kerjean, le tenant au courant des affaires, fut effrayé de voir ce messager, arrivant dans l’après-midi, tout couvert de poussière et qui avait certainement brûlé la route. Ce fut avec un frisson d’inquiétude qu’il prit la lettre qu’on lui tendait.

La reine s’était levée toute pâle, et s’appuyait à la balustrade du balcon, regardant avec effroi et