Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/390

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— Je crois Rama invincible, dit-elle, mais est-il invulnérable ?

— Pourrai-je mourir lorsque tu daignes t’inquiéter pour ma vie ? dit-il. Mais, hélas ! je n’ai plus que quelques moments à passer près de toi. Veux-tu me permettre, pour que je n’en perde pas une minute, de donner, sans te quitter, les ordres les plus pressés ?

La reine, incapable de parler, fit de la tête un signe affirmatif.

Bussy recommanda que l’on tînt prêts à partir plusieurs courriers, et fit appeler son secrétaire.

Naïk arriva bientôt, et ne put se défendre d’un mouvement de crainte en se trouvant en présence de la reine ; car, pour un paria, c’était un crime irrémissible de s’approcher d’un souverain. Mais il comprit vite, à la pâleur et à l’air de tristesse répandus sur les visages, qu’un malheur était arrivé, et qu’on s’inquiétait peu de savoir si le nouveau venu était tchandala ou brahmane.

Le marquis lui fit lire le billet du roi et lui dicta plusieurs lettres. Naïk portait toujours suspendu à sa ceinture, un étui d’or renfermant le Kalam, l’encrier et le rouleau de parchemin, insignes de ses fonctions ; il mettait un genou en terre et s’appuyait sur l’autre pour écrire.

Bussy donnait l’ordre, à l’umara qui commandait les cipayes de la garnison de Kadapa, nababie toute proche de Bangalore, dont Salabet-Cingh avait fait présent à la bégum Jeanne, de mettre à sa disposition tous les hommes dont il pourrait disposer, sans compromettre la sûreté de la place, et le plus possible de