Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/399

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marche vers Pounah, il fit des propositions de paix.

Bussy les accueillit volontiers, et, impatient de voir Salabet-Cingh, qu’il n’avait pu rejoindre encore, décida d’aller conférer lui-même de la paix avec le roi, et laissant le commandement à Kerjean, rebroussa chemin vers le camp du soubab, qui était, comme toujours, une ville ambulante.

Lorsque le marquis entra sous la tente royale, Salabet se leva vivement, et courut à lui.

— Ah ! Gazamfer, s’écria-t-il, tes triomphes sur les Mahrattes mettent le comble à notre gloire ! Heureux le roi que tu protèges ; défendu par ton bras, il n’a rien à redouter du sort.

— Ne parlons pas de moi, dit Bussy avec émotion ; après les faveurs dont tu m’as comblé, c’est à genoux que je dois te demander pardon de n’avoir pas su deviner un cœur comme le tien.

— Enfin, tu m’aimes donc ? s’écria le roi avec une charmante expression de bonheur, en ouvrant ses bras au marquis, c’est là ma plus grande victoire ! Tu ne sais pas ce que tu m’as fait souffrir, et quel supplice c’était pour moi de recevoir tout d’un homme qui me haïssait. Vois-tu, j’aurais donné mon royaume pour fondre cette glace de ton regard, et y faire luire ce chaud rayon d’amitié qui s’en échappe aujourd’hui. Méchant, qui n’a pas compris que je savais son secret, et que j’étais heureux de pouvoir enfin lui témoigner ma reconnaissance par un sacrifice digne de lui.

— Ah ; j’étais fou, aveugle et stupide, et plus le charme de ta personne m’entraînait vers toi, plus tu