Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/404

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tant d’une conférence avec le nouveau ministre, Seid-el-Asker-Khan, dont la figure faussement humble me faisait horreur, le maître est tombé évanoui et on l’a rapporté au palais sans qu’il ait repris connaissance. Il m’avoua, lorsqu’il revint à lui, avoir bu quelques cuillerées d’un sorbet qu’il ne pouvait refuser, le ministre lui-même le lui offrant. Il avait très chaud, dit-il, puis un froid subit l’avait glacé. Contre tout espoir, pourtant, il se remit vite et se moqua de ma persistante angoisse. Bientôt son caractère changea ; lui, si séduisant dans ses manières et dont l’accueil, malgré sa grande dignité, était toujours si cordial, devint d’une hauteur extraordinaire avec tout le monde, tellement que M. de Kerjean ne lui parla plus et est encore aujourd’hui mortellement fâché contre lui. Des colères subites, sans cause, lui venaient, et alors il n’épargnait personne, pas même le roi, qui a fait preuve d’une patience bien rare. C’est alors qu’arriva cette nouvelle incroyable, d’un nouveau prétendant, soutenu par les Anglais, s’avançant avec des forces considérables vers Aurengabad. En la recevant le général parut troublé ; pour la première fois son sang-froid l’abandonna, il hésita, et, quand l’ennemi approcha, au lieu de défendre la ville, à la stupeur de tous, il ordonna la retraite et fit partir le roi pour Hyderabad. Je ne reconnus que trop l’action d’un poison lent qui, avant de tuer son corps, allait détruire la gloire du bien-aimé héros. Il eut quelques éclairs encore, puis faiblit, sembla redouter un combat. L’ennemi occupa la ville, confisqua les trésors, et Bussy, le héros de Gengi, le triomphateur,