Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/423

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enchantements de son dernier voyage ? Ces regards brûlants de passion, ces douces mains abandonnées aux siennes, et ce baiser de la séparation, éperdu, trempé de larmes ? Oui, un instant, tout s’était effacé sous l’horrible pensée que le mot de lâche avait pu être, sans mensonge, accouplé à son nom ; un éclair de lucidité froide lui avait montré, comme un précipice devant ses pas, le danger qui, par cette femme ou à cause d’elle, le menaçait toujours ; un instinct l’avait poussé à se jeter hors de sa portée ; puis, le sacrifice accompli, un implacable désespoir était tombé sur lui comme un manteau de glace. Cependant l’âpre volonté de laver, par d’éclatants succès, la tache faite à son nom, l’avait fortifié pendant la dernière campagne. Mais dès qu’il s’était vu maître de la victoire, il avait avidement cherché la mort, se jetant dans des dangers inutiles, avec une témérité folle, y échappant toujours, ce qui avait contribué à le faire prendre pour une ombre.

Par besoin de vengeance, il avait écrit à Lila une lettre très cruelle, pour lui annoncer qu’il échappait pour la troisième fois à un attentat dirigé contre lui, et qu’il s’avouait vaincu, renonçait à la lutte, la dernière attaque ayant été par trop déloyale.

Pour lui prouver qu’il n’y avait plus d’espoir de retour, il lui apprenait son prochain mariage avec la fille du gouverneur de l’Inde. Il terminait en la remerciant de l’affectueuse bonté qu’elle lui avait toujours témoignée, l’assurant qu’il ne l’oublierait jamais et lui gardait les mêmes sentiments, mais qu’il la suppliait de laisser le temps atténuer l’amertume de cette