Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/425

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vivante salle, complice de ses rêves heureux ! son courage y fléchissait, il n’était plus maître de sa volonté, et ne pouvait échapper à la foule de souvenirs enfermés là, qui semblaient l’accueillir et lui faire fête.

Combien de fois, en quittant le roi et les vizirs, après de longs et fatigants débats, il s’était hâté vers ce lieu aimé, comme si quelqu’un l’y attendait ! Parfois il trouvait une lettre de Lila, soigneusement et coquettement enfermée dans une jolie boîte, un étui ou un sachet. Dès la porte, il jetait un regard rapide vers le coffre à bijoux, sur lequel Naïk avait l’habitude de poser les lettres, arrivées de Bangalore en l’absence du maître. Quel battement de cœur joyeux et profond quand il apercevait le message ! La vivacité de sa joie avait quelque chose de naïf, qui lui rappelait ses bonheurs d’enfant, lorsqu’il découvrait les cadeaux de Noël dans son mignon soulier. C’était sous l’enroulement du serpent d’or, à l’endroit où il formait poignée, que Naïk plaçait la lettre. Involontairement Bussy y arrêta un regard plein de regrets.

Mais alors d’un bond, il se leva : il y avait une lettre à la place accoutumée !

D’un mouvement brusque il s’en empara. Elle était adressée à Dupleix et il reconnut sa propre écriture et son sceau, intact. C’était la demande en mariage, que ses amis n’avaient pas envoyée.

Il n’eut pas la force de s’irriter de la désobéissance, tant il éprouva de soulagement à se savoir libre encore.

Tout était bien fini pourtant entre lui et la reine ;