Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il me laisse retomber du haut de mon rêve, dans les flammes du bûcher.

Elle regarda encore les arbres, les parterres, les édifices de ce palais où s’était écoulée sa vie, mais avec indifférence.

— Ce que je regrette n’est pas ici, dit-elle.

Elle redescendit et se livra à ses femmes, qui la parèrent pour le sacrifice. Toutes pleuraient, et accomplissaient leur œuvre avec des mains tremblantes ; les larmes roulaient sur les pierreries, dans les plis brillants des suaves étoffes. Mangala se cachait le visage, et ses sanglots, peu sincères, faisaient sourire la reine.

— Lila ! ou donc est Lila ? s’écria-t-elle, en cherchant des yeux autour d’elle l’amie absente.

— La princesse ne pourra te survivre, dit une des femmes, on la dit mourante. L’illustre Abou-al-Hassan est auprès d’elle et il a interdit les abords de son palais.

— Chère Lila ! le temps me manque pour aller te dire un dernier adieu, toi qui m’aimais assez pour être heureuse d’un bonheur qui brisait le tien ! toi qui as souffert de mes peines autant que moi-même, et vas peut-être mourir de ma mort, je t’envoie mes plus douces pensées, et j’emporte ton souvenir comme un bouquet embaumé.

La toilette était terminée. Ourvaci se regarda dans le grand miroir d’argent poli, tandis qu’on lui attachait la guirlande de jasmin virginal.

Elle eut un dernier sourire de femme en apercevant la céleste image reflétée par le miroir, et elle dit à demi-voix :