Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/440

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Les brahmanes s’étaient placés sur une estrade en face du bûcher et, les bras levés vers le ciel, se mettaient en prières. Au-dessous d’eux, les musiciens frappaient sourdement leurs instruments, en augmentant peu à peu le bruit. La foule, retenue par les gardes, formait comme des murailles à quelque distance.

On accrocha des guirlandes de fleurs et de feuillages tout à l’entour du bûcher, qui le cachèrent presque entièrement, et les jeunes filles tournèrent autour, versèrent sur le sol de l’ambre et du musc, puis elles revinrent vers la reine, qui détachant ses parures les leur distribua.

Panch-Anan s’avança vers Ourvaci, une coupe pleine à la main. Il fit l’éloge de la reine, avec un enthousiasme pompeux, retraça les principaux faits de son règne, et lui annonça dans l’autre vie une existence bienheureuse ; il lui promit de lui faire édifier un temple comme à une déesse et termina en félicitant les dieux de la recevoir dans leur séjour. Puis il lui tendit le breuvage. On le composait ordinairement de sucs endormants, destinés à engourdir la victime, dont les suprêmes révoltes devant le suicide pouvait causer du scandale ; mais Panch-Anan, craignant que le peuple ne tentât quelque chose pour délivrer la reine, avait forcé la dose de poison, de façon à endormir à jamais celle qui le boirait.

Ourvaci le remercia d’une voix ferme, saisit la coupe, la tendit vers toute cette foule en larmes, comme pour la saluer encore, et la porta à ses lèvres.

D’un bond, Sata-Nanda fut près d’elle, renversa le mortel breuvage :