Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/59

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vaisseaux français dans l’Inde, se tenait debout, le front levé, une main appuyée au bord d’une table. Il portait la culotte et les bas rouges, l’habit bleu, sans paniers, à parements cramoisis, bordé à la Bourgogne et galonné d’or.

Le célèbre marin, qui avait conquis ce nom de Mahé dans une glorieuse affaire, était alors dans sa quarante-septième année ; mais une mauvaise fièvre qui le minait et lui jaunissait le teint, le faisait paraître plus âgé. Il avait le nez recourbé comme un bec d’oiseau de proie, le regard clair et aigu, le front plissé, déprimé légèrement, la bouche mince, tirée vers les coins par un rictus dédaigneux. Sur sa poitrine rayonnait la croix de Saint-Louis.

Il y eut d’abord un instant de lourd silence. La Bourdonnais demeurait muet, regardant les nouveaux venus avec un air de défi, masquant un léger tremblement d’inquiétude. Ce fut lui qui, cependant, parla le premier.

— Eh bien, messieurs, que désirez-vous, et qu’y a-t-il encore de nouveau ?

Friel s’avança, fit un salut.

— Commandant, nous venons, pour la dernière fois, vous supplier, au nom du gouverneur de l’Inde, de revenir sur une décision funeste et en tous points contraire aux intérêts de la nation.

— Ah ! il s’agit toujours de ce traité de rançon ! s’écria La Bourdonnais en fronçant le sourcil. Eh bien ! comme je l’ai dit déjà, toute représentation à ce sujet est inutile. Le sort de Madras est jeté. Que j’aie tort ou raison, je me suis cru en droit d’accorder une capi-