Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/62

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lui montrait à chaque ligne combien il était désintéressé et à quel point il avait pour lui la raison et le devoir.

En lisant cette lettre, si noble et si convaincante, La Bourdonnais poussait de profonds soupirs. Quand il eut fini, il laissa tomber sa tête dans ses mains et, pris d’une singulière faiblesse, il se mit à pleurer comme un enfant.

Friel, qui s’était discrètement reculé de quelques pas et se tenait immobile, les bras croisés, eut un geste de surprise ; les députés échangèrent un regard, et Bury dit à voix basse :

— Il va céder.

Mais d’Espréménil eut un haussement d’épaules plein de mépris.

Le commandant s’était mis à marcher à grands pas, méditant profondément. Puis, cédant encore à cette inconcevable émotion, où l’énervement de la fièvre était pour quelque chose, il recommença à verser des larmes.

— Remettez-vous, monsieur, dit Friel troublé malgré lui, ne vous laissez pas aller à un tel excès de chagrin ; cédez enfin à nos instances, et tout s’arrangera de soi-même.

— Non, non, je ne peux m’en dédire ! s’écria l’amiral d’une voix entrecoupée par les sanglots. S’il le faut, qu’on me mène à la potence !… Il se reprit en jetant un regard sur sa croix de Saint-Louis : J’irai porter ma tête sur un échafaud. J’ai cru bien faire. J’ai cru avoir une autorité et je n’ai pas voulu traiter les Anglais, qui sont braves gens, avec la dernière