Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce parc ne ressemblait en rien, lui, au jardin taillé et régulier du palais de Versailles ; il était absolument féerique : les plus belles plantes de l’Inde, rassemblées et groupées avec art, formaient des gammes de nuances depuis le vert le plus pâle jusqu’au vert noir, d’un effet extraordinaire ; des feuilles d’une largeur inusitée, métalliques et découpées, d’autres minces et flottantes comme des flots de rubans, d’autres raides et tranchantes, hérissées d’épines, quelques-unes légères et vaporeuses pareilles à des plumes et à de la fumée, s’étageaient, s’escaladaient, se faisant valoir, tandis qu’au-dessus d’elles des troncs droits, s’élançant d’un seul jet, déployaient très haut des panaches et des gerbes translucides, jaillissant du milieu d’écorces déchirées et de fibrilles brunes emmêlées et pendantes comme des chevelures. Parmi toutes ces verdures étaient répandues une profusion de fleurs inconnues dont les chauds parfums alourdissaient l’air, et des milliers d’oiseaux et de papillons, criant, chantant, voletant, mettaient partout comme un pétillement de flammes.

Bussy s’avançait ravi, lentement.

Tout à coup, dominant le concert des oiseaux, une plainte musicale et douce se fît entendre. C’était la voix d’un violon qui pleurait et frémissait, filait des sons, égrenant une mélodie mélancolique et touchante.

— Chut ! dit Kerjean un doigt sur les lèvres, c’est mon oncle.

Ils s’arrêtèrent sous une fenêtre grande ouverte d’où venaient les sons.

— Voyez-vous, il compose, reprit Kerjean à voix