Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/321

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déjà le pressentir. Les formules extérieures tendront de plus en plus à s’effacer et rendront plus difficile à saisir la nuance délicate qui distinguera l’homme comme il faut de l’homme mal élevé.

Autrefois, on n’était pas du monde sans être gentilhomme. Il fallait être pour être admis dans la bonne société : le reste des humains n’existait pas et se désignait sous le nom de bourgeois, de croquants et d’espèces.

L’habitude de porter un costume particulier et brillant, l’habit à la française de velours ou de soie scintillant de paillettes, le claque sous le bras, l’épée en verrouil au côté, la familiarité de l’escrime, de la danse et de l’équitation, l’aplomb héréditaire, le sentiment d’avoir du sang bleu dans les veines, le commerce de la cour et des femmes, la science pour ainsi dire innée des formes traditionnelles, une politesse respectueuse et pourtant pleine d’aisance entre soi, une affabilité dédaigneuse et froide pour tout ce qui n’était pas de la caste, la possession de ressources qui mettaient au-dessus des trivialités de la vie, tout cela isolait naturellement le gentilhomme de la foule et lui traçait une sorte d’individualité.

Plus tard, lorsque, sous la grande révolution, les