Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/324

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foule jalouse, il y en a une, du moins, que nul ne pourra récuser, celle de la distinction personnelle et de la bonne tenue.

Voyons donc quel serait le parfait gentleman : il est bien entendu que ce mot, pris dans l’acception anglaise, n’exige aucun quartier de noblesse, tout en ne les excluant pas. On peut être gentleman quoique roturier, et n’être pas gentleman quoique gentilhomme.

La première question à s’adresser, c’est de savoir s’il est nécessaire d’avoir de la fortune pour être un parfait gentleman. Non, car il ne s’agit pas ici du dandy, de l’homme à la mode ; cependant une certaine aisance est indispensable, car, hélas ! la pauvreté dompte les plus fiers courages, avilit l’âme et la ramène forcément aux besoins matériels ; elle enlève toute résolution, toute initiative, et ne permet pas au caractère de se développer ; il faut donc que le soin de la vie ne préoccupe pas trop immédiatement ; il faut pouvoir sacrifier certains avantages à des délicatesses que l’homme pressé d’argent est forcé souvent de faire taire ; s’abstenir de démarches qui, sans être déshonorantes, créent une espèce d’infériorité, et ne rien faire qui donne le droit à personne de vous parler autrement que comme un égal. Pour ces raisons toutes morales,