Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/337

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ou du haut allemand, selon les langues qu’ils ne savent pas.

Nous pensons que le rat a été appelé ainsi, d’abord à cause de sa petitesse, ensuite à cause de ses instincts rongeurs et destructifs. Approchez du rat, vous le verrez brocher des babines, et faire aller son petit museau comme un écureuil qui déguste une amande ; vous ne passerez pas à côté de lui sans entendre d’imperceptibles craquements de pralines croquées, de noisettes, ou même de croûtes de pain broyées par de petites dents aiguës, qui font comme un bruit de souris dans un mur. Comme son homonyme, il aime à pratiquer des trous dans les toiles, à élargir les déchirures des décorations, sous prétexte de regarder la scène ou la salle, mais au fond pour le plaisir de faire du dégât ; il va, vient, trottine, descend les escaliers, grimpe sur les praticables, et principalement sur les impraticables, parcourt et débrouille l’écheveau inextricable des corridors, du troisième dessous jusqu’aux frises, où l’appellent fréquemment les paradis et les gloires ; lui seul peut se reconnaître dans les détours ténébreux et souterrains de cette immense ruche dont chaque alvéole est une loge, et dont le public soupçonne à peine la complication.