Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment à la maternité, et se tint à quelque distance, dans une attitude de fascination admirative.

— À Java, dans les forêts où brillent les prunelles jaunes de la panthère noire, où les fleurs ouvrent comme des urnes leurs calices énormes, où l’arbre upa jette son ombre qui donne la mort, où la vase est rayée par le ventre des serpents boas, pétrie par les pieds monstrueux de l’hippopotame ; où la chauve-souris vampire fouette de ses ailes velues l’air chargé de miasmes, je me promenais, seule, en chapeau de paille, en robe de mousseline, une baguette à la main.

— Une baguette ! vous êtes donc une fée ? Je l’avais toujours pensé, s’écria Ninette.

Madame *** ne fit aucun signe d’adhésion ; pourtant elle ne dit rien qui pût détromper l’enfant. Ninette, encouragée par son silence, lui demanda avec toute la naïveté de cet âge, où la foi est si facile, au milieu des premiers étonnements de la vie :

— Est-ce que vous pourriez me faire un don pour me rendre meilleure, comme je le vois dans les contes ?

— Je le peux, reprit gravement madame ***. Vous trouverez, en vous couchant, ce soir, sur le chevet de votre lit, un oreiller magique. Il répondra à vos questions ; mais ne le consultez que pour des choses im-