Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/41

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retirer ses mains de son manchon, et, d’ailleurs, elle voulait arriver des premières à l’église ; elle répondit donc : « Je n’ai pas de monnaie, » et passa.

L’impression de pitié que lui avait causée la misère de l’enfant fut bientôt dissipée. L’objet n’était plus devant ses yeux, et c’est à cet âge-là surtout que le proverbe italien lontano degli occhi, lontano del cuore, est plein de vérité. Le spectacle du monde est si nouveau, si merveilleux pour une imagination de sept ans !

Le soir, Ninette se coucha, vaguement mécontente d’elle-même, bien qu’elle eût oublié la scène du matin ; elle eut de la peine à s’endormir, et se retourna vingt fois sur l’oreiller sans pouvoir en venir à bout. L’oreiller, ainsi tourmenté, prit la parole :

— Ninette, ce que vous avez fait ce matin est mal. Vous avez manqué de charité et vous avez dit un mensonge ; vous saviez bien, lorsque vous avez répondu : « Je n’ai pas de monnaie, » que, dans le coin de votre mouchoir, du côté de la marque, étaient nouées quatre pièces de cinq sous toutes neuves et toutes brillantes. Une seule de ces pièces eût peut-être sauvé la vie de ce pauvre enfant, qui n’a plus de père, hélas ! et plus de mère. Vous aviez peur de manquer le commence-