Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/43

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rose et d’un manteau bleu, qui releva l’enfant et plaça Ninette sur un terrain plus ferme. Le mendiant, secouant la neige attachée comme un duvet aux inégalités de ses haillons, parut tout rayonnant et tout illuminé ; des marques rouges étincelaient dans ses mains comme des flammes ; il jeta sur Ninette un regard plein de reproche et de tristesse, et lui dit :

— Tu ne veux donc pas venir jouer avec moi sur la prairie céleste, et courir dans l’éternité après les papillons qui ont des yeux de diamant sur les ailes ?

Le mendiant, à qui Ninette avait refusé sa pièce de cinq sous neuve, n’était autre que l’Enfant Jésus, qui avait voulu l’éprouver.

Cette leçon lui suffit, et jamais Ninette ne répondit à un pauvre : « Je n’ai pas de monnaie. » Eût-il neigé comme sur le mont Blanc, et plu comme le jour du déluge, elle se fût arrêtée pour chercher au fond de ses poches le sou demandé.

Aussi madame *** lui parlait-elle avec sa voix la plus caressante et lui réservait-elle son plus charmant sourire.

Une autre fois, l’oreiller donna une leçon profitable à Ninette. Le jour des prix approchait ; Ninette travaillait son piano avec tout le zèle imaginable ; elle