Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/52

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l’esquisse d’une main hardie et légère. Ses traits fins et purs étaient dorés par l’ombre transparente de son grand chapeau de paille, comme dans cette délicate ébauche de jeune femme par Rubens que l’on voit au Musée ; ses cheveux, d’un blond riche, formaient un gros chignon de nattes sur son cou plus blanc que le lait et moucheté, comme par coquetterie, de trois ou quatre petites taches de rousseur. Elle était d’une beauté charmante et rare.

Petit-Pierre, absorbé par une découpure de feuilles de châtaignier, ne s’était pas d’abord aperçu de l’arrivée d’un nouvel acteur sur la tranquille scène de la vallée. Fidèle avait bien levé le nez ; mais, ne voyant là aucun sujet d’inquiétude, il avait repris son attitude de sphinx mélancolique. L’aspect de cette forme svelte et blanche troubla singulièrement le jeune berger ; il sentit une espèce de serrement de cœur inexprimable, et, comme pour se soustraire à cette émotion, il siffla son chien et se mit en devoir de se retirer.

Mais ce n’était pas là le compte de la jeune femme, qui était précisément en train de croquer le petit pâtre et son troupeau, accessoire indispensable du paysage ; elle jeta de côté album et crayon, et, avec deux ou trois bonds de biche poursuivie, elle eut bientôt rat-