Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Petit-Pierre, cela nous mènerait trop loin. Les œuvres des grands maîtres, qu’il visitait assidûment dans les galeries et dont il faisait de fréquentes copies, mirent à sa disposition mille moyens de rendre sa pensée, qu’il n’eût pu deviner tout seul. Il passa des sévérités du grave Poussin aux mollesses lumineuses de Claude Lorrain, de la fougue sauvage de Salvator Rosa à la vérité prise sur le fait de Ruysdael ; mais il ne s’imprégna d’aucun style particulier : il avait une originalité trop fortement trempée pour cela. Il n’avait pas fait comme le vulgaire des peintres qui commencent dans l’atelier, et vont ensuite mettre leur carte de visite à la nature dans des excursions de six semaines, sauf à peindre ensuite au coin du feu les rochers d’après un fauteuil, et les cascades d’après l’eau d’une carafe versée de haut dans une cuvette par un rapin complaisant : ce n’est qu’imprégné de l’arôme des bois, les yeux pleins d’aspects champêtres, à la suite d’une longue et discrète familiarité avec la nature, qu’il avait pris le crayon d’abord, puis le pinceau. Les conseils de l’art lui étaient venus assez tôt pour qu’il n’eût pas le temps de prendre une mauvaise route, assez tard pour ne pas fausser sa naïveté.

Au bout de deux ans de travail opiniâtre, Petit-Pierre