Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/76

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La voiture entra dans une maison de belle apparence, rue Saint-H…, et la porte cochère se referma sur elle.

C’était bien là que demeurait la dame.

Savoir la rue et le numéro de son idéal est déjà une belle position, et c’est quelque chose que de pouvoir se dire : « Mon rêve demeure dans tel quartier, sur le devant, » ou bien : « entre cour et jardin. » Avec cela, avec moins peut-être, Lovelace ou don Juan eussent mené une aventure à bout ; mais Petit-Pierre n’était ni un don Juan ni un Lovelace, bien loin de là !

Il lui restait à savoir le nom de la dame de ses pensées, à se faire recevoir chez elle, à s’en faire aimer : trois petites formalités qui ne laissaient pas que d’embarrasser étrangement notre ex-berger.

Heureusement, le hasard vint à son secours, et le moyen qu’il cherchait s’offrit de lui-même. Un matin, son rapin Holoferne lui apporta, délicatement pincée entre le pouce et l’index, une petite lettre oblongue qu’il flairait avec des contractions et dilatations de narines, comme si c’eût été un bouquet de roses ou de violettes.

À l’anglaise fine et vive de l’adresse, on ne pouvait méconnaître une main de femme, et de femme bien