Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/56

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geur à qui l’air va manquer, et je venais ici contempler les palais qui la dérobent aux regarda, ou quelquefois l’apercevoir de loin, accoudée à une galerie ou traversant, au milieu de ses femmes, une allée de jardin, et j’emportais alors une provision de bonheur. Mais maintenant j’ai respiré le parfum qui émane d’elle, sa voix a caressé mon oreille, j’ai entendu mon nom vibrer sur ses lèvres. Saurai-je me contenter de ce qui naguère emplissait ma vie ? Je suis perdu, mon existence est brisée par cet amour impossible, et cependant je suis heureux. Tout à l’heure je vais la revoir encore, non plus dans la contrainte d’une audience politique, mais pouvant tout à mon aise m’éblouir de sa beauté. Aurai-je la force de cacher mon trouble et mon criminel amour ? Oui, divine souveraine devant toi seule mon âme orgueilleuse a pu se prosterner et mon rêve monte vers toi comme la brume vers le soleil. Déesse, je t’adore avec épouvante et respect ; mais, hélas ! je t’aime aussi avec une folle tendresse comme si tu n’étais qu’une femme !