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le collier des jours

C’est là, sans doute, un phénomène inconnu encore ; mais il est certain que je subissais une influence incompréhensible. J’avais l’idée très nette d’une foule ; une foule triste, ne s’occupant que de choses graves, un peu effrayantes, mais que j’aurais voulu connaître. Cependant, je n’en parlais jamais ; il me semblait qu’il y avait là un secret et que, si je le trahissais, toutes ces impressions s’évanouiraient. Beaucoup plus tard, quand il me fut permis de lire la nouvelle de mon père intitulée : La morte amoureuse, toujours, à ce passage où le jeune prêtre, que l’on vient d’ordonner, retournant au séminaire, reçoit furtivement le billet de Clarimonde, toujours je voyais la scène se passer à un certain angle d’une vieille muraille de Montrouge. Je m’arrêtais net à ces lignes, surprise par cette bizarrerie inexplicable, car il n’y avait pas de séminaire à Montrouge, et l’aventure se passe en Italie.

Ces jour-ci seulement, en retrouvant ces souvenirs, j’ai voulu me renseigner un peu sur l’histoire de ce Montrouge, que je croyais dénué d’histoire, et j’ai appris, avec un vif étonnement, que des Bénédictins, venus d’Italie, s’y étaient installés en 1827, et que, avant eux, pendant plus d’un siècle, les jésuites avaient eu là un des centres les plus importants de leur ordre et une école fameuse ; qu’ils étaient revenus,