Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
le collier des jours

et on me voyait de la chambre de grand-père. Le plus souvent, je pouvais repartir, et comme on ne voulait pas me brusquer, sachant que je n’avais été asservie à aucune espèce de discipline, la surveillance se bornait à une recommandation, que me criait tante Lili, du haut de la fenêtre :

— Ne vas pas au soleil sans chapeau !

Mais mon chapeau était toujours envolé, et, à force de répéter sa phrase, tante Lili se trompait, elle disait :

— Ne vas pas au chapeau sans soleil !

Ce qui me donnait le fou rire.

Mon ambition était d’ouvrir la porte du jardin, pour filer plus loin, là-bas, dans la prairie. Je m’y acharnais sans y arriver. Nini Rigolet, ma nouvelle amie, m’apporta un concours précieux : elle savait ouvrir la porte !… Alors, nous nous échappions à travers les petits vergers, enclos de treillages bas, et nous débouchions dans l’affolante prairie. Je m’arrêtais d’abord, en extase devant le vaste tapis vert, devant cet espace qui me semblait sans limites. Puis, avec un cri d’oiseau délivré, je me lançais dans une galopade effrénée, où Nini me suivait, et qui nous entraînait fort loin.

Tout à coup elle s’arrêtait, comme pétrifiée, et me criait :

Méfie-toi, v’là ton grand-père !