Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/102

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têtes empanachées, des chariots à bœufs d’une allure pesante et contenant une famille. À peine si la foule insouciante d’être écrasée s’ouvrait pour leur faire place, et souvent les conducteurs étaient obligés de frapper de leur fouet les retardataires ou les obstinés qui ne s’écartaient pas.

Un mouvement extraordinaire avait lieu sur le fleuve, couvert, malgré sa largeur, à ne pas en apercevoir l’eau, dans toute la longueur de la ville, de barques de toute espèce ; depuis la cange à la proue et à la poupe élevées, au naos chamarré de couleurs et de dorures, jusqu’au mince esquif de papyrus, tout était employé. On n’avait pas même dédaigné les bateaux à passer le bétail et à transporter les fruits, les radeaux de joncs soutenus par des outres qu’on charge ordinairement de vases d’argile.

Ce n’était pas une mince besogne de transvaser d’un bord du fleuve à l’autre une population de plus d’un million d’âmes, et il fallait pour l’opérer toute l’adresse active des matelots de Thèbes.

L’eau du Nil, battue, fouettée, divisée par les rames, les avirons, les gouvernails, écumait comme une mer, et formait mille remous qui rompaient la force du courant.